Par un effet d'optique, les couleurs chaudes ressortent et les couleurs froides - bleu, gris - donnent de la profondeur. L'artiste les utilise souvent pour modeler les formes et donner du recul aux structures de l'espace. La palette de l'artiste est limitée, mais grâce à des mélanges subtils et modulés, et aussi à l'usage répété de la même couleur dans différents contextes, le peintre donne à son œuvre une extraordinaire harmonie.
A aucun moment il ne cherche à dénaturer les formes comme ont pu le faire la plupart des cubistes. Aucun divorce chez lui entre figurations équilibrées et formes abstraites. Traitées géométriquement, les formes déploient une grande unité qui éclate dans les paysages normands d'une richesse dense.
Le sujet est d'abord un stimulant spirituel pour Péradon. Attiré sans cesse par le cubisme dont il perçoit l'importance mais aussi les faiblesses, art où l'artificiel est parfois trop présent, il n'en adopte pas moins les données du système même s'il choisit toujours ses sujets dans la nature.
Cette tentation cubiste a contribué à renforcer chez l'artiste le désir de voir dans la peinture autre chose qu'une simple tentative de représentation directe de la nature. La "source cubiste" est évidente dans cette œuvre, notamment en ce qui concerne les rapports très nets des plans en profondeur, que raccordent les maisons et les arbres. La tonalité verte ou bleue tend à une monochromie et élimine n'importe quel élément qui pourrait faire dévier la description, selon un procédé particulier à la poétique du peintre. La vision très claire s'élève en une cascade de masses nettement cadencées, épurées en une sorte de luminosité stable, obtenue en s'arrêtant passionnément sur le tissu des aplats de lumière et de couleur. L'espace acquiert ainsi une harmonie classique dans les "oisons parfaites entre les éléments de construction.
Sensible au paysage musical des Impressionnistes où rien n'est solide, où tout est mouvance et modulation, où le volume fait place aux fluidités et aux vibrations de la couleur,le paysage de Péradon évoque parfois un • paysage sculptural" pour reprendre une expression d'André Lhote, un paysage tout en volume, modelé par la lumière monochrome.
Peintre de moyens formats, Péradon atteint à la vraie grandeur qui résulte des proportions. Héritier des impressionnistes. li n'oublie jamais que la recherche de l'expression géométrisée des éléments du paysage ne doit jamais être effectuée au détriment des passages atmosphériques. Le 'passage" donne de la vie et de la souplesse à l'ensemble et souligne la solidité des éléments qu'il laisse subsister.
Les détails lointains du spectacle, rabattus sur la surface, se superposent en hauteur au lieu de s' échelonner dans une profondeur copiée. La troisième dimension n'est plus systématiquement "copiée" mais suggérée par la construction du tableau et par la couleur. La lumière du ciel n'a pas plus d'importance que la lumière captée par la route et quelques triangles formés par les maisons.
Chez lui, le paysage semble se composer tout seul comme se composent les tableaux impressionnistes. Il ne doit son unité qu'à l'harmonie générale obtenue entre les éléments colorés et les valeurs. la mise en page étant affinée grâce au choix du point de vue.
Ces calmes paysages que n'habite presque aucune action semblent avoir été créés à l'usage de l'homme. Peut-être n'existent-us que dans la mesure où ils ont traversé l'âme du poète qui met un ordre dans une diversité, et relie la sensation présente au sentiment intime.
Son écriture, précise et serrée s' assouplit dans ses vues de plages normandes, en même temps que son coloris plus fondu adoucit le style.
Dans toute son œuvre, l' artiste a exalté la beauté de la mer et des ciels de sa Normandie natale. La rencontre de l'eau avec la mer, la danse des nuages dans le ciel, les dunes semblables à des vagues, les blocs hiératiques des falaises, les grandes étendues d'eau à marée basse et les ciels immenses, il a tout peint, tout observé et transposé sur toile comme l'on remplit une partition de musique. Ces plages et ces ciels sont comme autant de portées sur lesquelles l'artiste dessine un nuage, décrit les arabesques des dunes ou l'écume des vagues.
Dans ces vues de plages qu'il semble pouvoir multiplier à l'infini, il décline toute une gamme de bleus pour traduire les multiples variations du ciel et de la mer.
Parfois épais, limités à deux petites touches de blanc, les nuages envahissent parfois la toile avec leurs teintes ocres, jaunes, roses et soufre. Les ciels se font alors écho du jeu des vagues qui semblent s' étendre à l'infini, la répétition du motif. le jeu des arabesques, les portées des nuages.
L'artiste recherche inlassablement une harmonie proche de la musique. Cette recherche de l'harmonie explique la multiplication des points de vue qui' illustre toute sa dextérité. Pour nous faire sentir l'immensité de ces plages, le peintre utilise des vues fuyantes ou des vues panoramiques.
La vue frontale lui sert à multiplier les variations sur le mouvement des vagues, transformant le tableau en partition pour de folles arabesques.
Sa peinture se fait alors plus suggestive, voire plus abstraite.
Dans les vues panoramiques, au contraire, l'art du peintre est plus descriptif: les ciels immenses se confondent avec les plages désertes que la mer a découvertes.
Recherchant sans cesse l'union du ciel et de l'eau, il s'est attaché toute sa vie à en traduire toutes les nuances à partir d'une palette aux couleurs fines et subtiles.
A l'image de l'écriture chinoise, il use d'une touche ponctuée, traduisant à merveille la spontanéité et l'harmonie du paysage. Il exclut volontairement les détails inutiles pour ne conserver que la sensation de mobilité et de vie.
Péradon construit de l'intérieur, simplifie et de plus en plus ordonne la nature selon sa propre méditation. Il cherche les arabesques décoratives, les rythmes lents. apaise les lumières, adoucit les couleurs.
La finesse du rendu donne un aspect lisse à certaines de ses toiles. Détachée de tout artifice,sa peinture se veut d'abord recherche d'un climat poétique.